Thématique, bilan et projets de l’EA


Thématique et bilan

Historique

L’EA 1577 « Les mondes allemands : histoire des idées et des représentations » est une unité de recherche de l’Université Paris 8. Les membres sont principalement des enseignants-chercheurs du département d’Etudes germaniques de Paris 8. Cette unité de recherche fut créée par Jacques Le Rider dans les années 1990 sur la base d’une équipe de recherche et d’encadrement des étudiants en DEA et en thèse de doctorat. Jacques Le Rider dirigea cette unité jusqu’à son départ à l’EPHE fin 1999. Puis l’unité fut dirigée par Fred Schrader, jusqu’à ce que Norbert Waszek en prenne la direction début 2005.

Au moment de la dernière évaluation par l’AERES (note « A » en février 2008), cette équipe avait préféré préserver son titre traditionnel « Les Mondes allemands : régions, histoire, cultures, sociétés » de façon à maintenir une continuité institutionnelle. Depuis, il a été décidé d’adopter le titre « Les mondes allemands : histoire des idées et des représentations », qui est plus proche de nos activités et préoccupations réelles et souligne d’entrée de jeu notre spécificité.
En effet, l’EA 1577 revendique sa spécificité dans le paysage de la germanistique française de par sa concentration sur l’histoire des idées des pays germanophones, notamment les XVIIIe et XIXe siècles, dont le « noyau dur » est constitué par l’époque de Goethe (la Goethezeit, 1749-1832), période qui couvre le plus grand épanouissement de la philosophie allemande, de l’Aufklärung (Lumières allemandes) aux grands systèmes de l’Idéalisme allemand (Kant, Herder, Fichte, Schelling, Hegel), alors même que certaines activités collectives ainsi que les travaux individuels des membres de l’unité débordent ces limites temporelles. Le noyau thématique ne devrait donc pas être considéré comme un cadre inflexible. C’est, dans tous les cas, un profil très spécifique et presque unique parmi les unités de recherche en germanistique.
 

Caractérisation de la recherche

Les activités de l’unité sont centrées d’abord et avant tout sur la recherche en histoire des idées. C’est dans ce domaine que les meilleurs résultats, des résultats reconnus sur le plan international, ont été obtenus. L’EA 1577 s’est aussi régulièrement ouverte à d’autres disciplines, notamment la philosophie, l’histoire, les études juives, la littérature comparée et les sciences politiques. Si le premier destinataire de nos activités est le monde de la recherche internationale, comme en témoignent les nombreuses publications – non pas seulement en français, mais aussi en allemand et en anglais (certains travaux ont été traduits dans d’autres langues comme l’italien et le polonais) -, ainsi que les nombreuses participations des membres à des manifestations en Europe, en Amérique du Nord et en Asie – l’unité a, en tant qu’équipe d’accueil, vocation à accueillir une recherche scientifique de haut niveau et, par là même, à assurer une formation à et par la recherche de qualité. Dans cette perspective, les activités de l’unité s’adressent aux étudiants en thèse. Les doctorants sont naturellement associés à toutes ces activités, non pas seulement comme public mais en tant qu’intervenants dans le cadre des colloques. Les thésards sont encouragés et soutenus, intellectuellement et financièrement, afin qu’ils puissent participer à des colloques en France et à l’étranger et publier leurs premiers articles et compte-rendus.

 

Activités et résultats

Parmi les points forts des activités de cette EA, on notera d’abord les travaux sur Hegel : en premier lieu les deux éditions de Hegel (Waszek 2009 et 2011, les deux au Livre de Poche), dont le premier est déjà devenu un ouvrage de référence, et qui ont aussi donné lieu à plusieurs journées d’études (à l’ENS-Ulm, à l’Institut Goethe de Paris, à l’EHESS), puis les travaux sur l’école hégélienne (par exemple Waszek 2011, chez Northwestern University Press et 2012, chez Aracne Editrice à Rome), mais aussi la contribution de Fred Schrader à un ouvrage de référence (The Bloomsbury Companion to Hegel) et un article d’Anne Chalard-Fillaudeau (2007). 
En deuxième lieu, il faut citer l’édition (M.-A. Maillet 2011) et le colloque de 2008 autour de Heine (M.-A. Maillet et N. Waszek), dont les actes seront très prochainement publiés aux éditions de l’Eclat. Ce colloque a réuni quelques-uns des meilleurs spécialistes de Heine (Michel Espagne, Karin Füllner, Gerhard Höhn, Volkmar Hansen…) autour de Heine comme témoin de la vie culturelle à Paris. Ce colloque a aussi donné l’occasion de présenter et publier les travaux de deux thésardes encadrées par l’unité : Nina Bodenheimer et Leslie Brückner. 
Un troisième point fort fut constitué par le travail collectif autour de la Haskala (Lumières juives-allemandes) : le grand colloque international (à l’ENS-Ulm en 2008), dont les actes ont été publiés dès 2009 comme numéro spécial de la Revue Germanique internationale. Nouvelle série, N° 9 (Paris, Ed. du CNRS, 2009). Depuis, ce travail fut prolongé par une contribution sur la Haskala à un ouvrage de référence sur l’Aufklärung (Lumières allemandes) ; Waszek 2013, à paraître en février).
Un quatrième point fort fut constitué par le colloque international et interdisciplinaire de l’EA de 2010, qui s’est intitulé « L’intime et le politique dans la littérature et les arts contemporains ». Ce colloque a été organisé par Florence Baillet (MCF de l’EA 1577), Karin Maire-Parienti (Doctorante de l’EA 1577) et Arnaud Regnauld (MCF angliciste de l’Université Paris 8). Ce colloque s’est proposé de partir des interrogations suscitées par l’inflation, depuis les années 1970, d’œuvres « intimistes », qui semblent alimenter l’idée selon laquelle on assisterait, dans les arts et la littérature contemporains, à un phénomène de dépolitisation : au sujet de la littérature germanophone des années 1970 et 1980, il est ainsi souvent question d’un « retrait dans la sphère privée », d’une « nouvelle intériorité » ou d’une « nouvelle subjectivité ». En se demandant si l’intime ne pouvait être en réalité appréhendé autrement, comme le refuge d’une subjectivité face au pouvoir, telle une interruption ou une brèche ouvrant un espace pour élaborer d’autres possibles, le colloque a alors cherché à examiner les liens susceptibles de se tisser entre l’intime et le politique dans le cadre des pratiques artistiques. Les actes de ce colloque ont été publiés (avec comité de lecture) à la fois en ligne, en mars 2011, dans le numéro VIII de la revue Poétique de l’étranger (URL : http://www2.univ-paris8.fr/dela/etranger/etranger8.html) et en version papier, en octobre 2011, chez l’éditeur Michel Houdiard, sous le titre L’intime et le politique dans la littérature et les arts contemporains (342 pages).
Les travaux sur Kant ont également été poursuivis, notamment par une journée d’étude de l’EA en janvier 2012 à la Maison Heine de la Cité Internationale à Paris. Outre trois membres de l’équipe (Buchenau, Pille, Waszek), deux des grands spécialistes allemands sur Kant, Reinhard Brandt (Marbourg) et Steffen Dietzsch (Berlin), ainsi qu’un collègue philosophe (Jean-François Goubet) ont participé à la journée. Pour la publication leurs contributions vont être enrichies par des contributions sollicitées ultérieurement (par exemple de Gérard Raulet, Paris IV). D’autres travaux sur Kant sont à signaler : Buchenau 2008, 2009, 2010 ; Pille 2010 ; Waszek 2011).
 

Quelques projets à venir

1) Kant et Lessing
 
Après avoir consacré beaucoup de temps et d’énergie à Hegel et à Heine, qui restent des préoccupations importantes de l’équipe, celle-ci entend réaliser dans l’avenir plus de projets sur Lessing et Kant. Si Kant est évoqué en premier, ce qui rompt l’ordre chronologique, c’est parce que nous avons déjà entamé notre travail sur lui par une journée d’étude en janvier 2012, journée à laquelle trois membres de l’équipe (St. Buchenau, R.-M. Pille et N. Waszek) ainsi que des spécialistes français (M. Bienenstock, G. Raulet) et allemands (R. Brandt, Marbourg ; St. Dietzsch, Berlin) ont participé.

Kant est probablement, parmi les philosophes allemands, celui qui est le plus universellement reconnu – il a récemment figuré au programme de l’agrégation de philosophie, non pas dans la rubrique concernant l’épreuve en allemand, mais pour le programme en français ! – et pourtant on ne peut pas dire que la recherche française sur Kant soit aussi riche et structurée que celle sur Hegel. Côte à côte avec les philosophes français qui se consacrent à Kant, une équipe de germanistes a bien un rôle spécifique à jouer : lorsqu’elle traite de Kant, elle se doit de mettre en valeur le rapport entre cette philosophie et la culture allemande au sens large. Un exemple : lorsque Kant traite du « conflit des facultés », il est important de faire ressortir, à côté de la portée universelle du texte et de sa signification pour notre temps, le contexte propre : les débats de l’époque autour de la nature et de l’avenir des universités. Autre exemple : lorsque Kant présente le droit, peut-on le comprendre sans avoir des idées précises sur la situation de la pensée juridique, et même le système juridique de son temps et dans son pays ? C’est dans le sens de telles interrogations que cette équipe interne envisage de préparer le terrain pour un grand colloque international, déjà préparé par une journée d’études en janvier 2012, avec des spécialistes français et allemands.
Lessing n’était, il est vrai, pas très loin de la thématique du colloque de 2008 sur les Lumières juives-allemandes, puisque Moses Mendelssohn, son grand ami, avait été placé au premier plan. Mais il y a déjà un certain temps que Lessing n’a plus été mis lui-même au centre de l’une des activités de l’équipe. Comme son message multiculturel relève du débat actuel sur la coexistence des religions et la critique des religions, il conviendrait de faire redécouvrir cet auteur aux étudiants et au public, au sens large du terme. Un colloque prévu en 2014, dont les actes seront publiés, devrait remédier à ce qui apparaît comme une lacune dans la réception récente de Lessing. L’équipe des germanistes s’appliquera à préparer ce chantier avec deux journées d’études en 2013, probablement en septembre et novembre.

2) Représentations : le récit de voyage 

Un colloque est en préparation (par Marie-Ange Maillet) sur « Le récit de voyage en France de la fin du 18e siècle à la Révolution de 1848 ». Le récit de voyage en France de voyageurs allemands est évidemment loin de constituer un terrain de recherche vierge ; il bénéficie d’une tradition notamment bien étudiée pour la période de la Révolution Française et de la fin du 18e siècle (avec un auteur majeur comme Moritz von Thümmel et son Reise in die mittäglichen Provinzen Frankreichs, 1791-1805 par exemple), ou encore pour la période qui succéda immédiatement à la Révolution de Juillet 1830, pour laquelle les noms de Heinrich Heine et Ludwig Börne s’imposent à l’esprit. Mais de même qu’il n’existe pas sur toute cette période marquée par des transformations politiques, sociales et industrielles majeures d’étude globale réalisée dans la continuité, de même, certains auteurs et certaines époques restent singulièrement dans l’ombre. C’est le cas de récits du début du siècle comme ceux de Carl von Jariges ou Johann D. Mutzenbecher, ou, un peu plus tard, du prince écrivain Pückler-Muskau ou de la comtesse Ida Hahn-Hahn. L’étude d’auteurs moins prestigieux que Heinrich Heine ou Ludwig Börne permet ainsi notamment de mettre en lumière une tradition du récit de voyage qui, loin de se limiter à Paris et à la contribution d’un « mythe » de la capitale française (Cf. Karl-Heinz Stierle, qui dans son étude fondamentale Der Mythos von Paris a singulièrement laissé de côté la tradition allemande), englobe aussi la province pour produire sur cette dernière un discours dont les modalités demandent encore à être dégagées. Ce colloque, dans le but de dresser un état des lieux de l’évolution du récit de voyageurs allemands en France sur l’ensemble de la période concernée, privilégiera donc – sans ignorer évidemment les grands noms de la littérature viatique de l’époque – les approches novatrices, les études d’auteurs aujourd’hui considérés comme mineurs mais qui en leur temps ont eux aussi contribué à l’élaboration de ce qui constitue un genre à part entière.

3) Autres activités


Pour donner une suite au projet ANR de Stefanie Buchenau, l’équipe projette d’organiser un colloque international en 2015 : « Grâce et dignité. La recherche de la figure humaine entre anatomie, physionomie et esthétique ». Il s’agira d’élucider ces liens et les collaborations qui au 18ème siècle se nouent entre l’anatomie, la physionomie et l’esthétique, dans leur recherche commune de la figure humaine et de l’expression de l’humain. Tous les pays d’Europe seront pris en compte, une attention particulière étant accordée au domaine germanique (et en particulier à des auteurs comme Lavater, Winckelmann, Goethe, Herder et enfin à cet auteur de l’essai Sur la grâce et la dignité́, ce médecin et poète que fut Schiller).

Par l’intermédiaire de René-Marc Pille, membre du comité directeur de la Chamisso-Gesellschaft, l’équipe interne soutient par ailleurs les activités de la société savante en question, fondée en 2010 à Kunersdorf dans le Brandebourg pour honorer la mémoire et diffuser l’œuvre littéraire et scientifique d’Adelbert von Chamisso (1781-1838), émigré champenois réfugié en Prusse sous la Révolution et devenu, dans sa langue d’adoption, un des écrivains allemands les plus populaires de son temps. L’équipe a notamment participé à la première Internationale Chamisso-Konferenz qui s’est tenue à Paris en juin 2011 ainsi qu’à la publication de ses actes : Marie-Theres Federhofer, Jutta Weber (Hg.), Korrespondenzen und Transformationen. Neue Perspektiven auf Adelbert von Chamisso. Göttingen,Vandenhoeck & Ruprecht, 2012. Elle s’associera également à la prochaine conférence internationale sur Chamisso, qui se tiendra en mai 2013 à l’université Humboldt de Berlin sur le thème Phantastik und Skepsis – Lebens- und Schreibwelten Chamissos, ainsi qu’à l’expertise des archives de l’écrivain franco-allemand conservées à la Deutsche Staatsbibliothek de Berlin et qui sont en cours de numérisation.